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Campagne du Soldat Jean Baptiste BORNER

4éme Régiment de Zouaves




Jean Baptiste BORNER est appelé à l'activité le 3 décembre 1913. Il arrive au 4ème Régiment de Zouaves.


Il est en Tunisie du 6 décembre 1913 au 30 avril 1914 et en opération au Maroc du 1er mai 2 août 1914.


Depuis le mois de mars 1914, le 4ème Zouaves se trouvait être un régiment fort de 7 bataillons. Il était commandé à Tunis par le Colonel Pichon et représenté là dans son Centre par le 4ème et le 7ème bataillons. Le 1er et le 2ème Bataillons faisaient campagne au Maroc; le 3ème et le 6ème tenaient garnison à Bizerte; le 5ème à Rosny-sousBois, près Paris. Ces différents éléments, grossis d'ailleurs par des bataillons de réserve furent employés diversement au cours de la guerre. Certains bataillons cessèrent de faire corps et contribuèrent à la formation d'unités nouvelles.



Mise à pied-d'oeuvre (2 au 23 août 1914).


Le 1er août 1914, à 17 heures, les quartiers de Tunis et de Bizerte furent consignés. L'ordre de mobilisation venait d'être affiché. On le communiqua aux troupes, et les Zouaves déjà prêts à sortir en ville débouclèrent leur ceinturon avec le plus grand calme, raccrochèrent leur baïonnette et remirent leur bourgeron comme un soir ordinaire de piquet.

Dès le 4, toutes les dispositions ayant été prises, les inspections faites, le 3ème Bataillon s'embarque à Bizerte, le 4ème à Tunis. En exécution du plan de mobilisation, ils rejoignent en France, au fort de Rosny-sous-Bois, les 5ème et 11ème Bataillons pour former le 4ème Régiment de Zouaves.

Les bataillons sont transportés à Alger en chemin de fer; c'est à Alger que l'on doit prendre la mer. Le 9, le départ d'Alger sera plus solennel encore. La présence d'une escadre, des trois cuirassés : « Suifren », « Gaulois » et « Saint-Louis », qui ont pour mission d'escorter les 7 paquebots du convoi, fera plus imposante la levée d'ancre et les honneurs rendus au Drapeau sur la Place du Gouvernement, selon le rite habituel, sont empreints à cette heure d'une majesté nouvelle.

Le 10 et le 11, c'est la pleine mer. On vogue tous feux éteints dans la nuit, encore sous l'impression des vaisseaux pirates : le « Gœben » et le « Breslau », signalés en Méditerranée. Au matin du 12, la côte de France est abordée à Sete. Les Zouaves débarquent, s'égaillent dans la ville, où ils sont fêtés, comblés et entourés jusqu'au soir.

L'embarquement a lieu à 17 heures en gare de Sete. Après une traversée triomphale de la France par Toulouse, Montauban, Cahors, Limoges et Tours, les 3ème et 4ème Bataillons débarquent à Paris (gare d'Ivry).

Les journées du 14 et du 15, passées par les uns à Romainville, par les autres à Noisy, sont employées à recevoir les réservistes, déjà organisés, équipés et répartis au fort de Rosny.

Le 16 au matin le 4ème Régiment de Marche de Zouaves se trouve réuni dans la gare de Bercy après avoir fait à pied, au milieu des acclamations, le trajet de Romainville à Bercy. 1 Il comprend : Le 3ème Bataillon (Commandant Ballivet); Le 4ème Bataillon (Commandant Daugan); Le 5ème Bataillon (Commandant Bézu); Le 11ème Bataillon (Commandant Eychène).

Ils se dirigent vers la frontière. En cours de route on bifurqua vers le Nord. La Belgique appelait à l'aide. Le Haut Commandement venait de décider d'attaquer l'ennemi sur la ligne de Charleroi — Virton — Sarrebourg. L'armée d'Afrique arrive à temps pour cette première grande rencontre.

Le 17 août on débarqua à Anor et le même jour on se dirige à pied vers Robechies. Dans cette marche on passe la frontière. On cantonne aux environs de Robechies. Déjà la 38ème Division a ses avant-gardes à hauteur de Boussu-les-Walcourt, sur la route de Mons à Dinant, et l'on apprend qu'elle est rattachée au 3ème Corps (Général Sauret).

Le lendemain on atteint Froidchapelle et le 20, par une marche pénible, difficile, lente, sur des routes encaissées ou à travers des champs fraîchement moissonnés, il faut sept heures pour faire les 14 kilomètres qui séparent de Walcourt. On attend là que la concentration s'achève. Les populations belges nous ont fait un accueil chaleureux et nous saluent comme des sauveurs.



Le baptême du feu (23 août).


On comprit, dès la nuit du 21 au 22, que le combat était prochain. L'ordre de se porter en avant arriva à minuit 30 et l'on partit vers 2 heures. C'était bien la route de Charleroi par Chastres et Somzée. On dépassa l'artillerie en position d'attente Les quatre bataillons marchaient en formation largement ouverte.

Toute la journée du 22 le régiment fut en réserve. Il se porta en avant, par bonds, en utilisant le terrain. A la fin de la journée, le régiment se trouvait à hauteur de Tarciennes, à l'ouest du village. Les habitants commençaient à s'effarer, à faire des ballots, à interroger les Zouaves, incapables de rien dire, mais toujours ;confiants, bien que le canon grondât dans la direction du N.-E.

Un événement banal par la suite, mais sensationnel à cette heure, fut l'arrivée d'un biplan allemand qui survola la Division. C'était déjà l'ennemi. Tous les hommes tirèrent avec frénésie. Les chefs de section commandaient des feux de salve. L'avion fut-il descendu ? Peut-être. D'aucuns l'ont prétendu; mais on causa longtemps et plusieurs parlent encore de cette première fusillade naïve et farouche.

Cet incident eut pour résultat de faire sentir le besoin des tranchées. On en creusa à l'Ouest et à l'Est de Tarciennes; l'artillerie vint prendre position dans le village. On organisa des retranchements en avant des maisons; et, sur le soir, le Colonel fit passer l'ordre de se terrer. Ç'allait être la première veillée d'armes. Pour la première fois les Zouaves apprirent à reposer dans un trou, à y attendre l'ennemi. La guerre se présentait déjà à eux avec le caractère qu'elle devait avoir. Leur formation commença dès cette première nuit et le ravitaillement ne se faisant pas, ils connurent l'âpre saveur des vivres de réserve consommés avec parcimonie.

C'est dans ces conditions que le lendemain 23 août ils eurent à essuyer le feu de l'artillerie allemande en position au-dessus de Gerpinnes. Le tir commença vers 7 heures. On riposta. Les batteries du 32ème firent dès cette première action l'admiration des Zouaves et c'est alors que s'engagea entre Zouaves et Artilleurs de la 38ème une confiance qui ne devait plus disparaître.

Des Hussards ennemis se montrèrent tout d'abord en avant de Gerpinnes. Ils furent arrêtés par nos mitrailleuses. Les colonnes allemandes qui cherchaient à déboucher furent maintenues jusqu'au soir. Pourtant, à 19 heures, l'ennemi, supérieur en nombre, nous tourne par la gauche. Il faut songer à un repli, abandonner le talus provisoire édifié la veille et se reporter en arrière sous une fusillade violente qui bientôt part des premières maisons de Tarciennes. Les habitants épouvantés fuient en tous sens, gênent notre mouvement déjà si difficile. Beaucoup d'hommes tombent, néanmoins le repli se fait en bon ordre. On se retire en direction de Somzée. Pour échapper aux balles, par instant, les Zouaves arrachent aux meules des gerbes de blé et s'en servent de boucliers. Ces gerbes mouvantes tombent, rougissent de sang, mais beaucoup se relèvent, bondissent, se couchent pour rebondir encore et peu à peu les sections se reforment. Les mitrailleuses continuent à tirer jusqu'au dernier moment.

Tous ne l'ont pas pu, et le soir au bivouac installé dans les champs qui avoisinent Laneffe, il y a des absents. De nombreux officiers sont blessés. Des Zouaves blessés gisent encore à la place où ils sont tombés. L'ennemi les traite trop vite en prisonniers. L'un d'eux, dès le lendemain, de la meule de paille où il s'abrite, tire à 30 mètres sur fin Général-Lieutenant qui n'est autre que le Prince de Saxe Meiningen, et le touche en plein cœur. Il est fusillé sur place; d'autres font feu sur des patrouilles de Hulans et les habitants de Tarciennes qui furent témoins de ces actes héroïques sont fiers d'en conserver le souvenir.



La retraite (24 août — 6 septembre).


Le 23 août malgré leur élan, nos troupes, débordées par des forces supérieures, doivent reculer. La 38ème Division a quitté le 3ème Corps pour être rattachée au 18ème qui doit protéger la retraite. La 38ème Division est à l'extrême arrière-garde. Il s'agit de retarder la marche de l'ennemi pour permettre à la 5ème Armée de se reformer.

Le 24 août, à 3 h. 30, on réveille les hommes harassés déjà par les émotions de la veille. Il faut partir : les obu allemands se rapprochent et suivent. Par Fraire, Vogenée, Silenrieux, Boussu-Ies-Walcourt, sur les routes où trois jours auparavant ils semaient la confiance, les Zouaves repassent tristes, mais en bon ordre : mitrailleuses à l'arrière-garde, compagnies de protection sur les flancs. Ils se sentent toujours forts et organisés. Mais quelle douleur devant ces convois de paysans qui fuient l'invasi qu'il faut, pour garder les routes libres, repousser à travers champs en faisant taire la pitié !

Une grand' halte de trois-quarts d'heure, et c'est tout. On tourne à l'Ouest vers Clermont; on redescend sur Brabançon Il est 20 h. 30. Malgré l'encombrement des routes 45 kilomètres ont été parcourus depuis le matin. Et pourtant ce n'est pas le repos : il faut veiller, demeurer en alerte, accueillir les isolés, les gens perdus. La nuit n'est pas terminée que l'on repart. Comme la veille et plus encore peut-être, on se heurte à l'encombrement, comme la veille il n'y aura qu'une halte insuffisante où l'on peut cependant recevoir des vivres; et par Vergnies, Rance, Sautain, Eppe, on atteint la forêt de Frélon. Avant de s'y engager on se protèg contre toute surprise et la 14ème garde les lisières. Il faut aller plus loin. On passe à Frélon, Glageon pour ne s'arrêter qu'à Rainsart. C'est le 25; il est près de 21 heures. On a marché depuis l'aube.

L'heure du départ est fixée à 3 h. 30 pour le 26 et l'on indique pour 4 heures le passage au point initial. Ces ordres sont un enseignement pour qui croirait à notre déroute. Pourtant il faut se décrocher, car la cavalerie ennemie et l'artillerie légère nous serrent de près. Le mouvement de retraite continue par Etrœngt — Papleux. Il est 19 heures. Une marche de nuit s'impose. On gagnera ce soir même La Capelle et ce n'est qu'aux premières heures du 27 que l'on s'arrêtera à Lerzy. La pluie tombe, le brouillard est dense. Les hommes n'ont pas mangé; ils ont froid. Insuffisamment couverts par leur tenue de toile déjà usée, abandonnant dan l'excès de fatigue leur sac et leurs provisions, ils suivent, ils obéissent avec la certitude que l'offensive va reprendre.

Ils se sont à peine étendus pendant deux heures dans les champs humides que l'on repart de nouveau, cette fois avec l'espoir bien ferme de s'arrêter sur l'Oise. Mais on passe l'Oise à Sorbais et on longe la rive gauche jusqu'à Autreppe et l'on redescend encore vers le Sud pour s'établir sur un plateau au bois de Laigny. Il est 16 heures, c'est le 27. Depuis l'aube du 26 il n'y a pas eu 6 heures de repos.

Le 28, la marche en retraite est reprise. On traverse Saint-Gobert, Voharies, Berlancourt, Chatillon-les-Sons et l'on atteint La Ferté Chevrésis. Mais il y a du nouveau dans cette journée de marche. L'ordre reste plus grand. Les groupes d'artillerie campagne s'abritent derrière nos colonnes.

Les armées françaises et allemandes sont accrochées maintenant autour de Guise. Un ordre d'offensivè générale est lancé sur tout le front de la 5ème Armée. La 38° Division sera en réserve et soutien de la 36ème. Le régiment remonte vers le N.-O. de La Ferté Chevresis en direction de Villers-le-Sec et de Ribémont; on passe l'Oise avec entrain, la fatigue ne se s plus et on progresse sur la rive droite, où la 75ème Brigade garde l'avantage et repousse l'ennemi. Mais les éléments du 3ème Corps sont en retraite à droite. Le 1er Zouaves trop en flèche doit se replier. Il est soutenu dans son mouvement par nos compagnies avancées. On repasse l'Oise la rage au cœur et le soir du 29 le régiment s'installe pour la nuit 1.200 mètres au Sud de Ribémont. La nuit reste calme et le lendemain le combat s'étend à l'Est sur le front de PlaineSelve — Villers-le-Sec.

A 15 h. 15 une lutte violente est engagée au Nord de Ribémont où le 3ème Bataillon du 4ème Zouaves soutient encore le 4ème Tirailleurs. Les 4ème et 11ème Bataillons contiennent à l'Est la pression de l'ennemi. Ils se portent en avant avec ardeur sans se contenter d'une simple défensive. Toutefois, sur leur droite, l'épaisseur d'un bois les inquiète et rend leur position difficile.

A 16 heures un mouvement de repli s'impose dans la direction d'une crête située à 200 mètres en arrière. Tandis que ce mouvement s'exécute, le Capitaine Giraud, commandant la 14ème Compagnie, aperçoit à la lisière Nord du bois une compagnie allemande qui s'y installe : « Silence absolu, commande-t-il à ses hommes. Par un derrière moi. » On défile dans les broussailles : « Halte ! En tirailleurs. Les Prussiens sont devant noas. Nous allons charger, dit-il. En avant 1 A la baïonnette 1 » Et l'on part à la belle manière. L'ennemi ouvre le feu, mais nos Zouaves sont sur lui. Il recule et l'on s'installe sur sa position.

Mais l'artillerie allemande a pris la 14ème Compagnie sous son tir. Il devient impossible de garder la place et il faut l'évacuer. Les pertes sont lourdes; il est impossible d'emporter les morts et les blessés graves. Le Capitaine Girau 3 chefs de section restent sur le terrain. Le Capitaine Giraud fut recueilli par les Allemands et soigné à l'ambulance d'Orig Saint-Benoît. Grâce à son énergie et à sa parfaite connaissance de la langue allemande il parvint à s'évader, à rentrer en France et nous le retrouvons en 1917 commandant un bataillon du 4ème Zouaves. L'Adjudant Richard, seul chef de section encore debout, ramène les débris de la compagnie et rejoint le bataillon.

La marche vers le Sud va recommencer encore. Les blessés affluent lamentables. On les emmène, on les charge sur les mulets, on les traîne en brouette. La journée a été dure pour le régiment. Le Capitaine Sorlin est tué. Les Capitaines Giraud et Faure sont blessés grièvement. Les Lieutenants Boyer, Frimigacci, Desbruères, l'Adjudant-Chef Cazazoprana sont tués. Cependant notre offensive du 29 et du 30 a fait du mal à l'ennemi, a ralenti sa marche et masqué le repli de l'armée.

Nos sections de mitrailleuses ont tiré chacune plus de 8.000 cartouches en une seule journée et nos hommes qui ont saisi l'ennemi à la gorge savent maintenant qu'on peut lui en imposer. Mais ce n'est pas l'heure choisie par le haut commandement. Lentement, en bon ordre, on se dirige vers Renansart. Puis le lendemain 31 août on s'oriente vers Laon par Nouvion, Catillon, Pont-à-Bucy, Remies, Vivaise et Besny. Arrivé à Besny vers 18 heures on en repart à 22 heures en pleine nuit. Par Cerny, Mons-en-Laonnois, Bourguignon, Chaillevois, Chavignon, Chavonne on atteint l'Aisne, d'un passage difficile, d'autant que le régiment est chargé de la protection de l'artillerie et que les avant-gardes nous talonnent de près. Derrière le canal latéral que l'on franchit à Eys-laCommune on s'installe à Saint-Mard: mais pour peu de temps. Il faut se presser.

A 10 heures, le 2 septembre, on repart. Le régiment est le dernier de la colonne. Les bataillons sont échelonnés, le 4ème à l'extrême arrière-garde. La marche s'opère sans arrêt par Vauxtin, Bazoches, Saint-Thibaut, Chéry, Cartreuve, Dravegny, Cohan, Coulonges, Chamery. Les shrapnells ennemis nous font du mal, les convois marchent difficilement; quelques voitures doivent être abandonnées et tombent aux mains de l'ennemi.

Le 3 septembre on descend toujours par Ronchères, Frélon. On passe la Marne à Passy et l'on atteint Celles-leCondé par Courthiésy et Saint-Agnan. Où s'arrêtera-t-on ? Tous sont exténués. Nous avons désormais l'ennemi sur notre flanc droit. C'est sous ses feux d'artillerie et d'infanterie, en ripostant malgré la fatigue, malgré le désarroi où nous jette cette course précipitée vers le Sud, qu'il faut traverser Pargny, Artonges, Marchais-en-Brie, Montenils et Montolivet. Dans toute la journée, le régiment combat ave une énergie désespérante. La situation est critique.

Le 4 au soir il devait cantonner à Montrumière, mais les Allemands y sont déjà. Il faut appuyer à l'Est et le régiment ne réussit à se dégager qu'au prix des plus grandes difficultés. Mais voici le 5 septembre. La 5ème Armée est déjà en place organisée et forte. On la rejoint par Meilleray, Saint-Martindu-Bochet, Monceaux-les-Provins, Villiers-Saint-Georges et l'on s'arrête enfin près de la ferme de Lengrand, sur le plateau, à 2 kilomètres au Nord de Provins.

L'offensive (6 au 18 septembre).


La 38ème Division ne fut pourtant pas engagée dans cette journée du 6. Arrivée de la veille à peine elle demeura en réserve du 18ème Corps près de Gimbrais, à 6 kilomètres au Nord de Provins.

Jusqu'au 13, le 4ème Zouaves ne connaîtra de la grande victoire que les maiches forcées, combien rudes après les étapes de la retraite qu'il vient de couvrir. Et l'on marche, on parcourt des kilomètres dans l'enthousiasme. Tout atteste le désarroi, la surprise, la déroute de l'adversaire si sur de lui quelques jours auparavant. Les champs s'émaillent du butin dispersé, les colonnes de prisonniers refluent vers nos arrières. Il n'est plus question de fatigue. On marche, en se réapprovisionne avec les dépouilles de l'ennemi.

Après Montolivet, La Belle Vendières et la Grand' Halte de Fontenelle, les hommes ne demandent qu'à repartir. Voici dans le lointain Château-Thierry ! On y entre le lendemain 10 septembre. Toutes les précautions sont prises en vue d'un repli éventuel de nos troupes. Sans rien donner au sommeil on ne s'arrête que pour creuser des tranchées de soutien. Mais non ! l'ennemi continue sa retraite.

Le 11 on va cantonner à Dôle; en traversant Epaux, Bézu, Bouvardes, Mareuil-en-Dôle. Le 12 la résistance se fait plus vive. On reste en position d'attente dans la région de Chéry — Chartreuve. Mais le 1er Zouaves enlève Fismes et l'on entre dans Fismes pour aller bivouaquer à Glennes. Il pleut continuellement depuis le 8 au soir. Sans la surexcitation du triomphe personne ne tiendrait debout. Et pourtant, dans cette soirée du 12, nos compagnies poussent de l'avant. Les Allemands résistent à Cerny et l'on ne parvient que le 13 à s'établir près de la Ferme de la Tour de Paissy. La bataille de la Marne est virtuellement terminée. L'ennemi a atteint les crêtes du Chemin des Dames et entend s'y maintenir.

Nous avons de notre côté la prétention d'y prendre pied. La bataille s'engage, elle est dure. Le 14 au soir la Division se trouve en flèche par rapport aux autres éléments de l'armée. Il faut attendre. Le 15, l'ennemi affirme sa résolution d'arrêt par un violent tir d'artillerie. Le 16 notre mouvement continue. Tandis que la 36ème Division se porte sur Craonne, la 12ème Compagnie du 4ème Zouaves avance sur Ailles, le 11ème Bataillon va aider les Anglais à Cerny et le Commandant Daugan reçoit l'ordre d'attaquer Vauclerc avec son Bataillon, la 9ème Compagnie et des éléments du 12ème d'infanterie. La lutte se stabilise autour de la ferme d'Hurtebise, auprès de laquelle des canons sont amenés à bras. Lutte terrible : nous attaquons et nous sommes attaqués. L'ennemi garde Vauclerc, mais ne peut engager un pouce de terrain. Cette première défense d'Hurtebise, qui se prolonge jusqu'au 17 au soir met nos fantassins à rude épreuve. Ils en ressortent aguerris, grandis, plus confiants en eux-mêmes et dans leurs chefs, dont trois : le Capitaine Rajer, le Capitaine Gavory, le Sous-Lieutenant Parison trouvèrent là une mort héroïque.



L'arrêt (18 septembre — 28 octobre).


La mission confiée au 4ème Zouaves a été glorieusement remplie. Bien qu'il n'ait pu déboucher à Hurtebise, ni se maintenir à Ailles, une ligne solide s'organise sur les crêtes Nord de la Vallée Foulon, où nous abordons le Chemin des Dames.

On commence à parler de secteur de bataillon. De Paissy à Vassogne, des tranchées de soutien sont creusées. Les hommes font l'appretissage de ces travaux de terrassement, qui vont désormais sillonner nos plaines et les marquer comme d'une blessure, de la Mer du Nord à l'Alsace. On passe les nuits à manier le pic et la pelle et tandis qu'une ligne de tirailleurs tient les hauteurs avancées, des compagnies stationnent en soutien dans les creutes ou se creusent, dans la vallée, des abris individuels. On connaît maintenant les jours de garde et l'heure des relèves. Il y a des périodes de repos dans les villages de Jumigny, Moulins, Pargnan; mais quel repos ! Le bombardement n'est guère moins intense que sur la ligne des tranchées. De nuit et de jour, même en dormant ou en jouant aux cartes, on attend l'obus de surprise et il y a des morts. Les distributions, qu'on fait à Troyon, Vassogne, restent difficiles. L'ennemi devine nos habitudes et harcèle nos convois. Malgré son tir on circule et l'on travaille. Ainsi passe cette fin de septembre.

Octobre nous trouve dans la même situation. Mais un premier gros renfort est arrivé d'Afrique. Les compagnies peuven reformer les effectifs décimés par la maladie et les pertes quotidiennes. Pourtant les officiers disparaissent.

Tout en travaillant à la protection et à la défense, personne n'envisage encore la stabilisation définitive. Le 12 octobre une offensive générale est tentée. Notre progression dépend du mouvement des ailes; elle ne peut avoir lieu. L'essai n'aboutit qu'à provoquer un redoublement du tir d'artillerie.

Ces jours monotones et tristes d'octobre sont marqués cependant par une détente de trois jours à Révillon. On a aussi appris à compter avec un ennemi terrible : la boue. Les hommes savent maintenant l'énergie qu'il faut déployer dans la lutte contre la pluie, qui envahit les tranchées, les transforme en cloaques, en ruisseaux, en marécages glacés. L'arrivée des effets de drap, en permettant de remplacer la tenue de toile en guenilles a bien apporté quelque confort, mais les larges culottes rouges, qui s'alourdissent d'eau et de vase, restent peu pratiques. Sans doute la longue marche de la retraite et de l'offensive laisse des souvenirs pénibles, des fatigues non réparées, mais la stagnation paraît encore plus dure, et c'est avec joie que le 26 on apprend qu'il est question de partir.

Le 249ème d'infanterie, une troupe du Maroc, viennent prendre notre place. Le 27, à Courville, le régiment s rassemble pour une prise d'armes. Les souffrances s'apaisent et s'oublient dans cette vision de récompense et de gloire. Groupés autou du Drapeau tous s'affermissent pour de nouveaux combats.

La Belgique (29 octobre — 25 décembre).


Un événement nouveau vient de se produire dans l'allure générale de la guerre. Fixés désormais sur les lignes où ils se sont accrochés après notre offensive de la Marne, incapables de rien tenter pour le moment sur Paris, et comprenant que notre défensive va se fortifier de jour en jour, prévoyant peut-être déjà une lutte opiniâtre et durable, les Allemands ont décidé de faire un effort pour atteindre la mer. Maitres de Zeebruges, d'Anvers et d'Ostende, il leur faudrait Dunkerque, Calais et Boulogne; car le blocu maritime, ils le sentent, va se resserrer. C'est pourquoi une 3ème grande bataille après celle du Nord et celle de la Marne s'engage dans les Flandres.

Sur les rives de l'Yser, dans les plaines inondées d'Ypres, l'armée belge toujours vaillante, l'armée anglaise, qui plus que jamais voit la nécessité de vaincre, nos fusiliers marins soutiennent une lutte héroïque dans des conditions misérables. Le 4ème Zouaves va y prendre part. Enlevé le 26 du Chemin des Dames, il débarque le 29 octobre en Belgique à Furnes. Ypres et Dixmude sont pour le moment les deux grands centres de combats, les pivots de la bataille.

Ses bataillons seront le plus souvent détachés pendant cette période. Appelés à droite, réclamés sur la gauche, fixés parfois au centre de ce front qui va de la mer à Lens. Il semble tout d'abord qu'on ait voulu le diriger sur Ypres, où se battent les Anglais. De là, la première marche sur Ostvleteren, mais l'on remonte vers Furnes en soutien de l'armée belge à Lampernisse et Alveringhen. On ne s'y bat pas. On organise seulement les arrières, 24 heures à peine.

Le 5ème Bataillon dès le débarquement à Furnes a été envoyé en renfort de la 42ème Division et participe brillamment à la prise de Ramscapelle.

Le 1er novembre, le régiment est ramené sur Ypres par Ostvleteren, Crombeke et Poperinghe. Il pénètre à 10 heures du soir dans la ville qui frémit déjà sous les premiers obus. La vieille cité flamande est encore intacte mais, plus pour longtemps. Le 11ème Bataillon est envoyé en réserve de l'armée anglaise à l'Est d'Ypres. Il est bientôt suivi du 4ème, tandis que le 3ème prend position dans les marécages de l'Yperlée.

Dès le 8 novembre, le bataillon Lagarde qui s'est engagé à fond en avant de Veldhoëk se trouve réduit à 200 hommes. Malgré une résistance acharnée et opiniâtre, il est dans une situation très critique. Le, 4ème Bataillon lui envoie vers 2 heures de l'après-midi deux compagnies. Ces deux compagnies s'engagent sans hésiter et rétablissent la situation. La lutte a été dure, tous les officiers sont tués.

Les journées qui suivent sont dures et pénibles, l'ennemi prépare sa grande attaque du 11. Le 11 en effet, après un bombardement d'une violence inouïe, les colonnes allemandes culbutent la 1ème ligne anglaise. La 15ème Compagnie qui était en première ligne, est submergée. Le Capitaine rassemble la trentaine d'hommees qui lui restent et défend le terrain pied à pied. La situation est encore une fois critique. Le Commandant Bonnery ordonne une contre-attaque; les compagnies Helbert, Grambouland et les débris de la Compagnie Chevrier et ce qui reste de la 13ème s'élancent à la baïonnette avec une énergie telle que l'ennemi, non seulement est arrêté, mais recule jusqu'à son front de départ. Les Boches n'ont pas passé cette fois encore.

On vit littéralemen. dans l'eau et l'on enfonce jusqu'aux genoux dans les prairies inondées. En face c'est le canal; derrière l'Yperlée.. L'ennemi est mordant, audacieux. Nous l'attaquons quand même. Il faut prendre la maison du Passeur où s'abritent des mitrailleuses. Elle est prise, perdue et reprise encore.

Les Zouaves qui ont contribué à ce succès avec quelques volontaires des Bataillons d'Afrique n'auront pas le temps de défendre leur conquête. Dès le 9 décembre, tout le régiment est ramené au Sud d'Ypres, vers Kruisstraat, où réside le Quartier Généra de la 38ème Division. Il est désigné pour occuper des tranchées au Nord du canal d'Ypres, à hauteur de Verbran den Molen, où il relève des éléments de la Division Marocaine.







Jean Baptiste BORNER décède le 14 novembre 1914 à Veldoëck en Belgique.